domingo, julio 15, 2007

MI MELANCOLÍA

Nací melancólico. Ya antes, fui melancólico. Y después de antes y después de nacer, seguí siendo melancólico. Entonces, invadido por la duda, me acerqué un día a un sacerdote y le pregunté :
¿Qué es la melancolía ?
Y él me dijo :
-Es un estado de ánimo que asalta tu alma cuando no estás cerca de Dios.
Asustado por la respuesta, pues yo sabía de los tormentos a que estaba expuesto si no me aproximaba al Señor, me refugié en mí mismo para reflexionar qué era la melancolía. Y medité días, meses, años, hasta que finalmente descorrí el velo de la Melancolía. Entonces, como un pescador de perlas, le dispensé mi atención, y la cobijé en mi jardín de sentimientos, junto a aquellos de mayor hondura, como una amapola azul. Con el tiempo, se fue haciendo más complaciente y agraciada; tanto, que llegamos a amarnos apasionadamente. Y juntos, ella y yo, libremente, con la libertad que el corazón dibuja como sendero poblado de álamos, amábamos al mundo. No lo conversamos ni nos lo impusimos: fue puro, porque era liviana de alma y mi alma también cuando estaba llena de ella.
Y los dos éramos cantores. Y cantábamos a dúo las más bellas melodías ante quienes nos escuchaban; y no eran pocos los oyentes, pues tomaban asiento hasta en los pasillos del escenario donde la Melancolía y yo hacíamos oír las melopeas, bellas sí, pero por momentos umbrías: era el precio que debíamos pagar por nuestro querer.
Y en todo lugar la presenté:

-Ella es mi amante: se llama Melancolía.
La gente buena nos miraba afablemente, y algunos hasta exclamaban:
-¡Qué pareja encantadora !
Y la mala, como siempre, murmuraba tras las paredes, con la boca llena de espuma:
-¡Qué pareja desdichada!
Y ella soltaba unas lágrimas, y yo la consolaba:
-Es la puerca envidia, pues eres sublime mi dulce Melancolía.
Entonces le decía respirando los mil aromas de mi jardín:
-Son tantos, que se confunden; pero hay una fragancia que despunta, y es la tuya, amada Melancolía.
Un día murió, y era yo quien ahora derramaba lágrimas pues luego del cortejo y la sepultura, de las oraciones y el silencio, todo fue soledad, eterna soledad...
Y mientras me perdía tras los árboles del cementerio, escuché a la gente del funeral, acongojada, decir:
-Pobre hombre.

-¿Y ahora qué hará sin su amada Melancolía?
Y alguien comentó:

-Deberá resignarse con la Tristeza a penar su vida. ®

(Versión en francés)

Je suis né mélancolique. Même avant, j’étais mélancolique. Et après avant et après ma naissance, j’ai continué d’être mélancolique. Alors, envahi par le doute, je suis allé voir un prêtre et je lui ai demandé :
-C’est quoi, la mélancolie ?
Et il me répondit:
-C’est un état d’esprit qui emplit ton âme quand tu t’éloignes de Dieu.
Effrayé par cette réponse, car je savais tout des tourments auxquels je m’exposais si je m’éloignais de Dieu, je me suis enfermé en moi-même pour réfléchir à ma mélancolie. Et j’y ai pensé pendant des jours, des mois, des années, jusqu’à ce qu’enfin je pus lever le voile de la Mélancolie. Alors, comme un pêcheur de perles, je lui accordai mon attention, et je l’hébergeai dans mon jardin de sentiments, avec les plus profonds, comme un papillon bleu. Avec le temps, elle est devenue plus complaisante et reconnaissante; tellement, qu’on en est arrivé à s’aimer passionément. Et ensemble, elle et moi, librement, avec cette liberté que le coeur dessine comme un chemin bordé de peupliers, on a aimé le monde. On n’en a pas parlé, on ne se l’est pas imposé; ce fut très pur, parce qu’elle était d’âme légère et qu’elle remplissait mon âme.
On était des chanteurs. Et on chantait en duo les plus belles mélodies à qui voulaient les entendre; ils étaient nombreux, ils prenaient place même dans les couloirs du théâtre où la Mélancolie et moi on faisait entendre les mélopées, belles oui, mais quelquefois sombres; c’était le prix que nous devions payer pour nous aimer.
Et partout je la présentais :
-C’est ma maîtresse: elle s’appelle Mélancolie.
Les bonnes gens nous regardaient paisiblement, et quelques-uns s’écriaient même:
-Quelle couple ravissant!
Et les mauvais, comme toujours, murmuraient derrière les murs, la bouche pleine d’écume:
-Quel couple infortuné!
Et elle se mettait à pleurer, et je la consolais:
-C’est cette cochonne d’envie, mais tu es sublime, ma Mélancolie.
Alors je lui disais en respirant les mille parfums de mon jardin:
-Il y en a tant qu’on ne sait plus. Mais il y a une fragrance qui domine, c’est la tienne, mon aimée.
Un jour elle est morte, et ce fut à mon tour de me mettre à pleurer et après le cortège et l’inhumation, les prières, le silence, tout ne fut que solitude, éternelle solitude...
Et comme je m’égarais derrière les arbres du cimetière, j’ai entendu les croque-morts, affligés, qui disaient :
- Pauvre homme.

-Et maintenant, que va-t-il faire sans sa mélancolie?
Et quelqu’un dit:
-Il devra se résigner à la Tristesse. ® Traducción de Patrick Cintas

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